Justiciers, hacktivistes : qui sont vraiment les Anonymous ?

Les anonymous font régulièrement la Une des journaux. Mais qui sont-ils au juste ? Des justiciers ? Des hacktivistes ? Le groupe, global, semble en tout cas rassembler des personnes très différentes autour de causes communes. Sans que celles-ci ne soient nécessairement prédéterminées ou décidées par une élite. Mettons nous-aussi le masque de Guy Flawkes pour y voir plus clair.

“Nous sommes Anonymous. Nous sommes légion. Nous ne pardonnons pas. Nous n’oublions pas.”

La première fois qu’on entend parler de Anonymous, c’est sur le forum 4Chan, en 2003. Sur 4Chan, la plupart des internautes postent sans même se donner de pseudonyme. On voit donc “Anonymous” en haut de pratiquement tous les posts. Au final, c’est un peu comme si c’était une seule et même personne, cet “Anonymous” qui anime ce photo-forum déjanté.

Les “Anonymous” sont partout sur 4Chan

C’est une sorte de prise de conscience que la somme de toutes ces personnes fonctionnait comme un seul cerveau digital à la structure anarchique. Très tôt, cette conscientisation conduit Anonymous à se penser comme une communauté. Et Anonymous commence à mener des actions, principalement dans le but de s’amuser (pour le “Lulz”, comment l’expliquent alors les 4Chanautes).

Pour faire agir Anonymous, il suffit d’une proposition, et que suffisamment d’autres Anonymous y souscrivent. Le groupe mène ensuite des actions de manière coordonnée. Petit à petit, ce concept finit par se transformer en “Opérations”. Parallèlement, Anonymous ne se contente plus de 4Chan, mais débarque ailleurs. Notamment sur le site Encyclopediae Dramatica. Puis sur d’innombrables autres forums. Anonymous est aujourd’hui, plus qu’un groupe, un phénomène global.

Comment les premières opérations ont changé Anonymous

L’une des premières actions marquantes des Anonymous, ce sont ses raids sur la communauté/jeu en ligne/forum Hotel Habbo (aujourd’hui Habbo tout court). Une rumeur sur 4Chan faisait état du racisme des modérateurs de ce forum aujourd’hui principalement fréquenté par les 13-18 ans. L’idée a beaucoup séduit, et les Anonymous se sont inscrit en masse avec des avatars suggérant qu’ils étaient noirs.

Il se sont également “amusé” à tracer des croix gammées en se déplaçant dans Habbo pour horrifier les modérateurs. Qu’ils ne se privaient pas d’accuser malicieusement de racisme une fois qu’ils se faisaient virer du site. Dans l’univers des Anonymous cette attaque est intéressante car on est plus trop sûr d’avoir affaire uniquement à du “Lulz”. C’est une charnière.

La cible suivante, c’est l’Eglise de Scientologie. En 2008, des membres d’Anonymous forment le projet Chanology (4Chan + Scientology), pour réfléchir à tous les moyens d’emmerder d’enquiquiner la secte. L’opération Chanology est lancée dans la foulée. Entre-temps les Anonymous ont développé un outil libre facilitant les attaques coordonnées DDoS : le Low Orbit Ion Cannon (LOIC).

L’Eglise de Scientologie, première cible de poids

Ils lancent leur attaque contre l’Eglise de Scientologie. Tout ce qui est susceptible de nuire à la réputation, au budget, et aux ressources de l’entreprise sectaire est bon à prendre. Vous vous en doutez, l’outil LOIC fait ici ses premières lettres de noblesse. Ils envoient aussi des fax noirs, histoire, on imagine, de stimuler le marché des local des cartouches d’encre autour des locaux de la secte.

Et tentent de saturer son administration par tous les moyens possibles. Cela donne une notoriété au groupe, parce que les conséquences sont visibles, et la secte est forcée de réagir. Mettant au jour ses tactiques autoritaires. C’est aussi la première fois que l’on entend la devise du groupe dans une vidéo : “Le savoir est gratuit. Nous sommes Anonymous, Nous sommes légion. Nous ne pardonnons pas. Nous n’oubliez pas. Attendez-nous.”

En 2010, l’opération Payback is a bitch cherche à venger le lanceur d’alerte, créateur du site WikiLeaks Julian Assange. Elle n’a pas commencé ainsi : initialement, l’opération consistait en des attaques DDoS contre l’industrie du disque, et des cabinets d’avocats défendant la protection du copyright et tentant de faire fermer (déjà, à l’époque) des sites de torrent. Mais dans la foulée du leak des câbles diplomatiques, les Anonymous viennent spontanément à la rescousse.

Quelles sont les valeurs communes d’Anonymous ?

Difficile de répondre à cette question. Pour autant, on voit chez le groupe Anonymous des traits qui unissent. D’abord, le fonctionnement anarchique, sans leaders. Une idée fonctionne et est suivie parce qu’elle est populaire. Il y a ensuite le leitmotiv de la défense de la liberté d’expression, et l’opposition au contrôle du gouvernement ou à la surveillance de masse. On pourrait presque résumer en disant que le groupe est en quelque sorte anti-oppression.

Mais outre ces valeurs, Anonymous n’est pas une force politique. Et peut s’intéresser sporadiquement aux cartels de drogue Mexicains après la disparition de “membres” d’Anonymous. Ou encore à l’Etat Islamique comme on l’a vu après les attentats de Charlie Hebdo et de Paris :

Peut-on faire un bilan ?

Les résultats de l’entreprise des Anonymous sont mitigés. Certaines opérations comme celles autour des attaques de Paris ont par exemple conduit à la fermeture de plus de 900 comptes sur Twitter. Certaines entreprises qui ont fait les frais de leur attaques comme Visa, Mastercard et consorts en 2010 ont perdu plusieurs millions de dollars.

Mais la plus grande réussite des Anonymous, c’est probablement le groupe en lui-même. Le fait que chacun puisse s’y identifier volontairement. Puisse se mettre le masque de V pour Vendetta et participer à des actions. C’est la force du groupe : il est global, s’exprime dans toutes les langues, est sans leader, et peut agir n’importe où de manière imprévisible.