Hadopi : tout savoir sur la lutte contre le téléchargement illégal

Hadopi, la Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des droits sur Internet bat en 2016 son record d’envoi de ses fameux emails censés empêcher le téléchargement illégal. L’institution accumule pourtant les griefs, si bien que l’internaute ne sait même plus s’il doit la craindre. Dans ce dossier, apprenez tout sur Hadopi et les risques que la Haute autorité vous fait courir si vous téléchargez illégalement.

Hadopi, téléchargement illégal, Kevin Tong
Illustration de : Kevin Tong

Qu’est-ce que Hadopi ?

Hadopi signifie Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des droits sur Internet. C’est une institution créé par le projet de loi Création et Internet présenté en mars 2009 et voté trois mois plus tard (la loi n°2009-1311 du 28 octobre 2009 complétée par la loi n°2009-669 du 12 juin 2009). Son but ? Protéger la propriété intellectuelle des artistes via un nouveau système : la riposte graduée.

Page d’accueil du site de la Hadopi

Hadopi : une mesure polémique dès l’origine

À l’époque, cette loi faisait déjà débat – surtout parce que la loi comportait un volet répressif. Une image : celle de la ministre de la culture de l’époque, Christine Albanel elle-même, qui avait maladroitement accusé l’opposition de considérer Hadopi « comme une sorte d’antenne de la Gestapo » – des propos qui résonnaient avec les griefs faits alors à cette loi.

Evidemment les thèmes abordés, tels que celui des libertés individuelles, la question d’internet comme droit fondamental, et la fronde contre le gouvernement Fillon (LR, anciennement UMP) de l’époque n’y aident pas. Le sujet est si clivant qu’il divise alors jusque sur les bancs de la majorité.

Du coup, Hadopi se transforme peu à peu en un dispositif contre le téléchargement illégal « désincitatif » : Hadopi enverra dans un premier temps un avertissement par email, puis un courrier d’avertissement par lettre recommandée, puis si les atteintes continuent, l’accès à internet pouvait être suspendu pour une durée comprise entre 3 mois et 1 an.

Cette dernière mesure a fait couler beaucoup d’encre tant internet est devenu un service essentiel, au même titre que l’électricité ou le téléphone par exemple.

Hadopi 2 et la fin de la coupure de l’accès internet

Pour instaurer la coupure de l’abonnement internet, les députés votent une deuxième loi, dite Hadopi 2 (n°2009-669). L’idée est de trouver un modèle semblable aux contraventions que l’on reçoit en cas d’excès de vitesse : un régime d’exception au droit, accéléré, dans lequel défense et accusation n’ont pas d’audience devant le juge. Les ayants-droits demandaient en prime dans l’article 6 de la loi la possibilité de demander réparation – mesure qui sera rejetée de la foulée par le Conseil Constitutionnel.

Seul un juge judiciaire pouvait désormais prononcer la coupure de l’accès à internet, alors qu’il était question à l’origine de conférer cette prérogative au tribunal administratif. Pour les particuliers concernés, cela signifiait déjà moins de risque d’en arriver à la coupure effective de leur accès internet.

Mais rassurez-vous : depuis le décret du 9 juillet 2013 de la ministre de la culture Aurélie Filippetti (PS), l’accès à internet ne peut tout simplement plus être coupé : c’est la mort du dernier cran de l’arsenal de riposte graduée instauré par Hadopi. Désormais, la compétence répressive retourne au tribunal administratif, et le risque pour l’abonné est d’écoper d’une amende après le deuxième avertissement :

Riposte graduée : quelles sont les sanctions et les recours ?

Selon le site de la Haute autorité, le dispositif se veut « avant tout pédagogique ». Dans un premier temps, la Commission de protection des droits de la Hadopi envoie un email à l’abonné « avertissant l’internaute que son accès à internet a été utilisé pour télécharger ou partager des œuvres illégalement ». Si les atteintes continuent, la commission envoie un nouvel avertissement accompagné d’un courrier recommandé.

Hadopi Lettre Recommandée via Ecrans

Les emails d’avertissements sont envoyés sur l’adresse email dont dispose le FAI. Ainsi, il est possible que de nombreux internautes ne reçoivent pas le premier avertissement : une majorité d’internautes choisissent une adresse mail qui reste, alors qu’il n’est plus coutume de se « marier » à son fournisseur d’accès à internet – et qu’il est devenu rare d’utiliser l’adresse du FAI. Les internautes préfèrent se créer une adresse email sur-mesure.

Les sanctions

En cas de nouvelle infraction dans les 12 mois, la Commission de protection des droits de la Hadopi « peut décider de transmettre le dossier au Procureur de la République qui peut décider de poursuivre l’internaute et transmettre alors son dossier au juge ».

Si la Hadopi décide de poursuivre, le juge judiciaire peut dresser une contravention pour « négligence caractérisée ». Montant maximum : 1500 euros. Depuis, seules quelques amendes ont été envoyées, d’un montant compris entre 300 et 500 euros.

Les recours

Dès la réception du premier email, vous pouvez contester auprès de la Haute autorité les faits qui vous sont reprochés. Si la Hadopi a d’ores et déjà décidé de transmettre votre dossier au Parquet, vous avez un délai de 15 jours pour vous défendre. Hadopi a mis en place un centre d’appel pour cela accessible au 09.69.32.90.90. Vous pouvez également utiliser le formulaire à l’adresse suivante http://cpdform.hadopi.fr.

Enfin, vous pouvez contester les faits qui vous sont reprochés par voie postale en écrivant à Hadopi – Commission de protection des droits, 4 rue Texel, 75014 Paris. A noter : La Hadopi explique dans ses emails que vous pouvez seulement « demander des précisions sur le contenu des oeuvres qui ont été téléchargées ou offertes en partage et de formuler des observations ». Les « observations » sont, concrètement, votre seule possibilité de recours.

Est-ce que Hadopi est efficace ?

Disons-le tout de suite : contourner la surveillance d’Hadopi sur les téléchargements torrent et p2p est non seulement possible, mais c’est extrêmement simple. Il suffit pour cela de souscrire un service de VPN.

Un VPN permet de se connecter en apparence depuis un autre point du réseau, si possible depuis un autre pays

Si ce type d’outil restait il y a encore quelques années réservé aux militants, hacktivistes, et réseaux d’entreprises, le VPN s’est aujourd’hui démocratisé, car il sert aussi, entre autres, à passer outre les systèmes de blocage de sites géo-localisés, comme Netflix, Arte VOD, Canal plus ou encore BBC iPlayer : on l’utilise depuis son pays ou depuis l’étranger.

Par ailleurs, il faut savoir qu’Hadopi ne surveille pas toutes les oeuvres protégées par le droit d’auteur depuis le début de la création. Seuls 100 films et 10000 fichiers musicaux sont surveillés sur les réseaux torrent et p2p, avec pour point commun d’être tous des hits, des tubes ou des blockbusters. Pour vous donner une idée et en apprendre davantage sur la surveillance de la Haute autorité, consultez la liste des oeuvres surveillées par Hadopi.

L’offre légale de films et séries reste encore trop modeste (mais les choses s’améliorent)

L’offre légale ne permet pas encore d’accéder à tout, surtout lorsqu’on parle de films et séries. Sur ce versant, les choses se sont toutefois nettement améliorées ces dernières années avec l’arrivée de Netflix mais aussi de quantité d’acteurs moins connus : imineo, iTunes Store, Vodeo, Wakanim, Zaoza, Canalplay, la cinetek, Noco, Videofutur, Warner Bros VOD… etc (vous pouvez consulter la liste complète sur le site gouvernemental offrelegale.fr). Ces services restent en outre plus chers qu’un abonnement à Netflix – dont le catalogue français est encore limité.

Le service de streaming musical Spotify

Côté streaming musical, en revanche, la situation est nettement plus positive, avec des acteurs majeurs (Spotify, Deezer) dotés d’impressionnants catalogues à la disposition des internautes pour une dizaine d’euros par mois. Il est également facile et relativement peu onéreux d’acheter de la musique dématérialisée.

Plusieurs études pointent l’inefficacité de la riposte graduée

Alors que les défenseurs d’Hadopi, comme le PDG d’Universal Music Pascal Nègre, soulignent régulièrement l’embellie récente du marché du disque, ses détracteurs brandissent des études pour déconstruire la corrélation entre les politiques de riposte graduée telles que celles de la Hadopi, et la baisse effective du nombre de piratage d’oeuvres protégées par le droit d’auteur. Ainsi, 7 autres pays appliquent le principe de la riposte graduée : Irlande, Royaume-Uni, Corée du Sud, Taïwan, Nouvelle-Zélande et les USA.

Une étude australienne de l’Université Monash relève ainsi que là où cette approche a été développée, la baisse du nombre de téléchargement illégaux grâce à la riposte graduée n’a pourtant pas pu être démontrée. Et la chercheuse Rebecca Giblin, instigatrice de l’étude, d’appuyer ses conclusions d’observations faites à Taïwan et en Corée du Sud :

Il n’existe que peu voir aucune preuve que les politiques de réponse graduées soient a minima couronnées de ‘succès’ voire ‘efficaces’.

Vous pouvez lire l’intégralité de l’étude en cliquant sur ce lien (en anglais).

Vers la fin d’Hadopi et de la riposte graduée ?

En 2013, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti parlait d’une fusion de l’Hadopi dans le CSA, mesure qui avait fait à l’époque des vagues, du moins dans les couloirs de l’Assemblée : une telle fusion revenait à pérenniser le principe de la riposte graduée contre laquelle s’était battu le PS, en transférant la prérogative au CSA. L’idée a été enterré par Fleur Pellerin, la successeure d’Aurélie Filippetti dont le cabinet a émis un communiqué en 2014 allant dans ce sens :

La ministre de la culture et de la communication a eu l’occasion, lors des débats relatifs au projet de loi de finances pour 2015, de préciser que la question du transfert des missions de la HADOPI au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) n’est plus l’axe prioritaire du Gouvernement.

Dans le même temps, le ministère de la Culture travaille à un nouveau projet de loi s’attaquant davantage aux fournisseurs de contenus illégaux plutôt que de pénaliser les internautes. Et de parler désormais de “lutte contre le piratage commercial”.  Autrement dit : jusqu’aux prochaines élections présidentielles, le sort d’Hadopi reste en suspens. Mais dans le même temps un nouvel arsenal de lois pourrait le rendre peu à peu inopérant… le laissant mourrir de sa belle mort. Quant à savoir si ce projet aboutira ou pas… affaire à suivre !