Suicide Squad : fuyez, pauvres fous ! [Critique]

Suicide Squad est sorti dans les salles hier, mercredi 3 août. Nous nous sommes précipités dans les salles obscures pour découvrir l’un des évènements cinématographiques de l’année. Casting quatre étoiles, idée originale, énorme budget, campagne marketing du tonnerre : que vaut finalement ce Suicide Squad tant attendu ? Notre critique.

On l’attendait avec impatience. Face au rouleau compresseur Marvel, la licence DC Comics a bien du mal à séduire le public au cinéma. “Man of Steel” a laissé entrevoir une lueur d’espoir chez certains fans du genre, puis “Batman vs Superman : Dawn of Justice”. Non pas que le film soit mauvais, mais il lui manque cette étincelle qui fait le succès des films Marvel. Warner n’arrive pas à mettre en place son univers sur grand écran avec ses super-héros. Et si on essayait avec les bad guys.

Suicide Squad part d’une très bonne idée. Réunir tous les “vilains” bien badass de la licence DC Comics. Ça marche à fond dans les comics, pourquoi pas sur grand écran ? DC offre un monde bien plus dark que Marvel, quoi de mieux qu’une équipe de gros méchants pour faire battre les coeurs des fans et des non initiés ? Histoire de contrebalancer avec les héros hauts en couleur de la licence Marvel.

Les bandes annonces et la campagne marketing nous ont donné envie. On a espéré, peut-être un peu trop, que la licence DC décolle enfin comme son Superman. Hélas, ce n’est pas le cas. Ce Suicide Squad est certainement l’un des pires films de super-héros, dans la lignée de Daredevil (avec Ben Affleck) ou de l’infâme Hellboy.

Un scénario sans queue ni tête

Sur le papier Suicide Squad avait tout pour nous faire vibrer. Des héros à la psychologie et à l’histoire complexes, un budget monstrueux (175 millions de dollars quand même), et un casting de rêve. Bref c’était LE blockbuster de l’été. On ne sait pas qui en est responsable (Warner ? le réalisateur David Ayer ? les scénaristes ?) mais il semblerait que tout le monde ait oublié un principe de base pour qu’un film fonctionne : il faut une histoire. C’est bien simple, ce Suicide Squad n’en a pas. Le scénario n’a ni queue ni tête.

C’est mal écrit, très mal écrit. Et pourtant il s’agit d’une réécriture d’un comics, le travail est déjà bien entamé. Là c’est le vide absolu. Sans révéler le peu de mystère qui entoure l’intrigue (si toutefois il y en a une), on vous fait le pitch.

Après la mort de Superman, Amanda Waller (Viola Davis), un agent des services ultra secrets que même le gouvernement ne connaît pas, veut réunir les méta-humains ou humains les plus badass que le monde ait connu. Elle veut former une équipe d’élite dans l’éventualité de l’arrivée d’une menace qui détruirait la Terre (un Superman trop méchant). Ça fait beaucoup d’éventualités. Sauf qu’en formant cette équipe elle laisse s’échapper le plus méchant des super-méchants et c’est le bordel. Il va donc falloir la Suicide Squad (Task Force X dans les documents top secret) pour arranger tout ça.

On vous l’avait dit, le scénario tient sur deux lignes et c’est bien dommage quand on voit la richesse des comics et le potentiel qu’ils offrent pour une adaptation cinématographique. C’est comme si parmi les centaines de personnes travaillant sur le projet personne n’avait vu la perspective de ce ratage monumental.

Paraît-il qu’une première version avait été dévoilée à certains journalistes, avec un montage différent et bien plus efficace. On a bien réfléchi à comment tourner et retourner le problème, on ne voit rien dans ce Suicide Squad qui mettee du baume au coeur d’un point de vu scénaristique.

On sent en plus que la petite pointe d’humour des personnages vient s’inscrire en réponse à la philosophie de Marvel et surtout aux critiques contre les deux précédents films de Zack Snyder mettant en scène Superman, jugés trop sérieux. Finalement, ces petites touches d’humour sont peut-être les seuls éléments relativement efficaces. Merci à Margot Robbie et Will Smith qui excellent dans cet exercice.

Quant à la réalisation, c’est du travail bâclé. Les premières minutes sont encourageantes. On a certes droit à un classique schéma de la présentation des personnages “en tiroir”. Les effets visuels sont plutôt réussis mêlant dark et flashy. La bande son très rock nous promet de bons moments.

Sauf qu’au bout de vingt minutes ça fait flop. Tous les personnages ne sont pas présentés, les couleurs flashy laissent place à une noirceur omniprésente (nous ne l’avons pas vu en 3D et c’est tant mieux) qui n’apporte rien esthétiquement au film, et on ne se situe pas vraiment géographiquement.

Pire, on s’ennuie très vite, on tourne en rond et le film devient une scène d’action ratée qui tourne en boucle. Il n’y a rien qui sort du lot dans les interventions de ces héros malgré eux, aucune esthétique dans les affrontements. C’est digne d’une mauvaise série B. Le scénario et la réalisation, c’est donc une catastrophe.

Un casting quatre étoiles, mais ça ne fonctionne pas

Des films avec des histoires bateau, il y en a beaucoup mais ça n’empêche pas certains de fonctionner. Dans ces cas là, ce sont les personnages qui sauvent la mise. Avec Suicide Squad, on est servis. Que des personnages hauts en couleurs avec des psychologies complexes, des histoires et des parcours très noirs. Harley Quinn, Killer Croc, Deadshot, Captain Boomerang, El Diablo ou encore le Joker. En voilà des personnages à exploiter.

Avec son casting quatre étoiles, David Ayer avait tout pour faire d’excellents personnages. Mais là encore c’est raté. On a l’impression que même les acteurs n’y croient pas. Il faut dire qu’exploiter une dizaine de personnages aussi “riches” en deux heures de film, c’était un pari perdu d’avance. C’est donc logiquement que beaucoup d’entre eux sont quasiment invisibles. Captain Boomerang ne se fait remarquer qu’à trois ou quatre reprises avec une petite blagounette, Killer Croc est plus risible qu’effrayant, et El Diablo fait figure de méchant-repenti caricatural.

Et que dire du Joker ? Sans doute le personnage le plus mis en avant pendant la campagne marketing, il n’est présent que 10 à 15 minutes à l’écran. Et on se demande comment Jared Leto, qui a tout de même démontré ses talents indéniables d’acteur dans de nombreux rôles, réussit à livrer la pire interprétation du Joker de l’histoire du cinéma. Son Joker bling-bling est surjoué, les rires sadiques sont forcés, la gestuelle exagérée. On attendait mieux d’un acteur comme Jared Leto, certains allant même jusqu’à s’attendre à quelque chose de presque aussi bien que le défunt Heath Ledger. On en est très très très loin.

On ne s’attardera pas sur le “méchant” ou plutôt la “méchante” la plus ridicule de l’histoire des films de super-héros (quoi qu’il y avait quand même Colin Farrell dans Daredevil). La pauvre Cara Delevingne n’a pas reçu un cadeau en héritant de ce rôle extrêmement mal écrit pour une jeune actrice. On la jugera donc sur un autre rôle.

Heureusement, Will Smith en Deadshot et Margot Robbie en Harley Quinn sauvent la mise. Sans eux, on dormirait au bout de 20 minutes. Will Smith fait du Will Smith et ça marche. Il monopolise la caméra, balance des répliques bien senties, il est massif, occupe l’espace, bref il sait faire. Nous avons vu le film en VO, on ne sait pas ce que ça donne en français au niveau de la traduction des vannes.

Margot Robbie apporte quant à elle ce grain de folie qui manque incroyablement au film. On a presque tendance à oublier que la Suicide Squad est une équipe de gros tarés. Margot Robbie nous le rappelle plusieurs fois dans le film, et ça fait du bien. Si vous devez aller voir le film, ce n’est que pour elle, et pas seulement pour ses courbes affirmées et sa silhouette élancée. Elle fait vraiment une excellente Harley Quinn.

Verdict : écoutez plutôt la BO

Vous l’aurez compris sans trop de difficulté, ce Suicide Squad est une catastrophe monumentale. On était presque heureux de voir apparaître de temps en temps Batman/Bruce Wayne (Ben Affleck) tant on s’ennuyait. Il brillait par sa classe, c’est dire !

Plus sérieusement, parler de déception serait trop faible. C’est un raté monumental de la part de la Warner et une nouvelle désillusion pour les fans de DC Comics. Il ne reste plus beaucoup de cartouches à la licence pour se sortir de ce marasme. En 2017, Wonder Woman est attendue et surtout la Justice League. Autant dire que ces deux productions ont un poids énorme à porter sur leurs épaules. Suicide Squad est à oublier, à regarder sur TF1 un dimanche soir, et encore, juste par curiosité.

Vous pouvez également vous contenter d’écouter la bande originale du film, très rock et vraiment réussie avec en ouverture “House of the rising son” des Animals et en fermeture ce bon vieux et indémodable Queen avec “Bohemian Rhapsody”. Pour ma part, en sortant de la salle, je me suis dit que j’aurais mieux fait de rester chez moi devant Stranger Things.